Un cabochon rose – pourpre de forme cœur d’une masse de 40,44 ct (figure 1), mesurant 22.11 x 21.06 x 12.33 mm a été soumis pour analyse au Laboratoire Français de Gemmologie. L’indice de réfraction, en lecture cabochon, a été mesuré à environ 1,61, et la densité à 3,07. Des valeurs trop élevées pour un béryl qui suggèrent que la gemme pourrait être une pezzottaïte. Aucune luminescence n’est perçue sous les ultra-violets, longs (365 nm) ou courts (254 nm).
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Figure 7- pléochroïsme très net, pourpre profond / rose orangé, indiquant un matériau anisotrope.
Photo A. DROUX © Laboratoire Français de Gemmologie.
Une analyse chimique en fluorescence X à dispersion d’énergie a été obtenue sur un appareil Rigaku, très sensible grâce à l’utilisation de cibles secondaires. Cet appareil révèle la présence de silicium (Si), aluminium (Al), rubidium (Rb) de césium (Cs) (Figure 8). Le teneur en Cs, la densité, le pléochroïsme et l’indice de réfraction sont cohérents avec la pezzottaïte. Le manganèse (Mn) est présent en faible quantité. La forte absorption (dissymétrique) vers 550 nm indique donc qu’il s’agit de la valence 3+ du manganèse (Mn3+), cet ion étant connu pour être un absorbeur très efficace de la lumière. (Platonov et al, 1989) Contrairement à une légende encore trop répandue, la couleur rose n’est pas due au Cs (Ristic and Eichoff, 1955).
Figure 8 – Analyse chimique effectuée sur un spectromètre de fluorescence X à cibles secondaires.
Un dernier test très discriminant pour ce minéral est effectué : la diffusion Raman. L’analyse met en évidence une bande très nette à 3594 cm-1, ainsi qu’une autre légèrement moins intense, à 3547cm-1. Ces bandes sont liées au stretching (vibration d’étirement) de la molécule d’eau (Lambruschi, 2014). Cette courbe montre aussi un pic Raman vers 1098 cm-1, du aux liaisons Si-O-Be (Shang, 2005).
Ces différentes bandes sont décrites comme caractéristiques de la pezzottaïte par Lambruschi et ses collègues (2014). Peu courante dans cette qualité et cette masse, la densité élevée, ainsi que la masse spectaculaire de la gemme sont des arguments forts pour en supposer une origine malgache. En effet les autres localités connues, notamment la Birmanie (Myanmar) et l’Afghanistan n’ont livrés que de petits cristaux.
La pezzottaïte est un minéral relativement nouveau, découvert en 2002 à Madagascar (Laurs et al. 2003), puis en 2004 en Afghanistan (Simmons et al. 2005), et enfin en 2006 au Myanmar (Devouard, 2007).
La structure moléculaire est très proche de celle du béryl (Lambruschi, 2014). Jusqu’alors, on connaissait quatre minéraux du groupe du béryl dans la classification de Dana (Gaines & Al, 1997) : le béryl s.s, la bazzite, dans laquelle le scandium (Sc) prend la place de l’Al, la stoppaniite, hydratée, où le Fe intervient structuralement, et enfin l’indialite, magnésienne. Aujourd’hui, la pezzottaïte constitue le cinquième pôle, césifère. La différence entre celle-ci et le béryl césifère tel que certaines morganites réside dans le fait que la forte teneur en lithium structural (Li) modifie la symétrie de l’espèce : ainsi, le béryl présente une symétrie hexagonale, tandis que la pezzottaïte est rhomboédrique.
Le plus gros cristal taillé de qualité gemme connu pesait à peine plus de 11 carats en 2003, lors de l’étude de ce nouveau minéral par Brendan Laurs et ses collègues. Un autre de 59.98 ct a été signalé par Perreti en 2004. On trouve aujourd’hui sur le marché des spécimens de plusieurs dizaines de carats. Cette pierre reste un matériau rare est surtout une pierre de collectionneur. C’est en effet la plus grosse analysée à ce jour au LFG.