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Un inhabituel rubis rempli, vraisemblablement huilé
Une pierre rouge rectangulaire à pans coupés de 12.12 ct (Figure 1) a été soumise au LFG. L’indice de réfraction, la densité, le spectre raman, ainsi que la couleur ont permis de l’identifier en tant que rubis. Elle fluoresce en rouge moyen à fort sous les rayons ultraviolets longs, et plus légèrement sous les ondes courtes. Sous grossissement important, elle montre des accumulations assez denses d’aiguilles longues, quelques-unes sont un peu plates, iridescentes pour la plupart. (Figure 2). De nombreuses lamelles de macle traversent la gemme (Figure3). Un EDXRF réalisé avec un spectromètre Rigaku NexCG à cibles secondaires indique, en plus de l’aluminium, de l’oxygène et du chrome attendus, la présence d’environ 2420 ppmw de vanadium, un peu de fer (1760 ppmw) et du gallium (1030 ppmw), avec des traces de potassium et calcium. Il n’y a pas d’indication de traitement thermique, et les inclusions ainsi que la chimie sont compatibles avec une origine du Myanmar.
Figure 1. Cette pierre rouge de 12.12 ct montre des caractéristiques typiquement associées à un rubis naturel.
Figure 2. Accumulation dense d’aiguilles iridescentes x 50
Figure 3.Lamelles de macle contrastées, souvent observées dans des matières birmanes x 60
Figure 4. Remplissage visible dans les fractures proches de la surface x 40
Plus intéressant, de nombreuses fractures sont apparentes, les plus petites suivant les lamelles de macle. En examinant leur affleurement à la surface, il apparaît qu’une matière est présente dans les fractures, et a laissé des traces blanchâtres dans la fracture proche de la surface en certains points.
Figure 5. Remplissages contrastés de fractures x 40
En regardant plus loin dans les fractures, il y a des bulles plates, des réseaux de fentes comme dans la boue séchée, ou une sorte d’aspect dendritique (Figure 5 and 6).
Figure 6. Fracture avec aspect dendritique x 36
On peut voir le même type de schéma lors du séchage de l’huile dans les émeraudes (Hänni, 1988 & 1996).
Sous la chaleur de la fibre optique lors de l’observation, des gouttelettes se sont formées à l’affleurement des fissures. Cela indique que la matière est liquide ou que son point de fusion est juste en dessous de la température de la fibre optique. Cela peut être de l’huile ou de la cire.
Observée au DiamondView®, la matière à l’intérieur des fractures est révélée par une luminescence sous radiations de très courte longueur d’onde. (Figure 7).
L’absorption infrarouge confirme la présence d’un matériau organique dans les fractures. (Figure 8). Des pics d’huiles, à environ 2852, 2925 et 2955 cm-1, sont aux positions presqu’identiques que celles observées dans les émeraudes imprégnées. (Johnson et al., 1999; Zecchini & Maitrallet, 1998). En plus, il y a une large figure entre approximativement 2500 et 3500 cm-1, qui est due au produit orange, matériau ressemblant à de la rouille trouvé dans les fissures ouvertes de beaucoup de gemmes, corindon inclus. Elles sont accompagnées par de fines absorptions autour de 3600 – 3700 cm-1, comme c’est souvent le cas, attribuées aux minéraux du groupe de la kaolinite. (Beran & Rossmann, 2006). La bande à 2463 cm-1 est produite par le CO2.
Donc, sur la base des observations sous grossissement et absorption infrarouge, nous avons conclu que ce rubis présentait des “modifications modérées par traitement de la transparence (huile)”. Bien que les rubis aux glaces remplies soient communs sur le marché aujourd’hui, les corindons huilés sont plus rares. Ce qui est inhabituel pour ce rubis huilé, c’est qu’il est de taille importante et d’origine du Myanmar.
Une publication de :
Alexandre Droux (LFG) Emmanuel Fritsch
References:
Beran A., Rossman G.R. (2006). OH in naturally occurring corundum.
European Journal of Mineralogy, Vol. 18, pp. 441–447.
Hänni H.(1988). Gemmology, an oil well in your garden ? Schweizer Uhren & Schmuck Journal, n°3.
Hänni H.A., Keifert L., Chalain J.-P. (1996). How to identify fillings in emeralds using Raman spectroscopy. Jewellery News Asia, No. 145, pp. 154–156.
Johnson, M. L., Elen, S., & Muhlmeister, S. (1999). On the identification of various emeralds filling substances. Gems & Gemology, 35(2), 82-107.
Zecchini P., Maitrallet P. (1998). Que peut apporter la spectrographie infrarouge dans l’étude des émeraudes ? In D. Giard, Ed., L’émeraude: Connaissances Actuelles et Prospectives.
Association Française de Gemmologie, Paris, pp. 81–96.
Alexandre Droux, Responsable pierres de couleur, LFG
Emmanuel Fritsch, professeur de physique, Université de Nantes